• D'une vie à l'autre

    "D’une vie à l’autre", où l’histoire de jeunes Allemands aux identités volées

    C’est un scandale méconnu de l'Histoire du XXe siècle : le destin d'enfants allemands dont l'identité a été volée par la Stasi, le service de renseignement de l'Allemagne de l'Est, à des fins d'espionnage. Le film "D'une vie à l'autre", en salles mercredi, retrace leur histoire.

     


     

    Repère d'histoire 

    1933: Hitler est nommé chancelier

    1936: Fondation du premier lebensborn

    1940: Invasion de la Norvège par l'Allemagne

    1945: Reddition de l'Allemagne

    1949: Création de la RDA

    1950: Création de la Stasi

    1989: Chute du mur de Berlin

    1990: Réunification allemande

     


     

          Il y a parfois des films qui attirent l'attention du grand public sur un événement passé et contribuent, malgré le filtre de la fiction et ses inévitables simplifications, à ce qu'un pays fasse retour sur son histoire. D'une vie à l'autre (zwei leben) de George Maas, qui arrive sur nos écrans quelques mois après avoir triomphé Outre-Rhin est de ceux-là...

    A l'instar d'autres grands succès récents du cinéma allemand (lachute, la vie des autres, Hannah Arendt), il revisite avec acuité l'histoire tourmentée de notre grand voisin, dont il relate les soubresauts sur plus d'un demi-siècle.....

    A travers le personnage fictif de Katrine Evenson, le film retrace une histoire aussi incroyablement romanesque que tragiquement véridique: comment le régime communiste est-allemand s'est servi des victimes de l'eugénisme nazi, les enfants du lebensborn, pour une opération d'espionnage à grande échelle des pays occidentaux....

     


    Le film: D'une vie à l'autre

    Un film de Georg Maas     Allemagne/Norvège        97 min

    Avec Juliane Köhler (Katrine Evensen Myrdal), Lyv Ullmann (Ase Evensen), Sven Nordin (Bjarte Myrdal), Ken Duken (Attornee Sven Solbach), Julia Bache-Wiig (Anne Myrdal)

    Synopsis

    Europe 1990, le mur de Berlin est tombé. Katrine a grandi en Allemagne de l'Est, et vit en Norvège depuis 20 ans. Elle est le fruit d'une relation entre une norvégienne et un soldat allemand pendant la seconde guerre mondiale. A sa naissance elle a été placée dans un orphelinat réservé aux enfants aryens. Elle parvient à s'échapper de la RDA des années plus tard pour rejoindre sa mère. Mais quand un avocat lui demande de témoigner dans un procès contre l'Etat norvégien au nom de ces "enfants de la honte", curieusement elle refuse. Progressivement de lourds secrets refont surface, dévoilant le rôle de la STASI, les services secrets de la RDA, dans le destin de ces enfants.

    Pour elle et ses proches, quel est le plus important? La vie qu'ils ont construite ensemble, ou le mensonge sur lequel elle repose?

    Au cinéma à partir du 7 Mai 2014.

     


    Le contexte historique

    Les enfants du "lebensborn"

    Pour comprendre l'histoire racontée par le film "D'une vie à l'autre", il faut remonter au 12 Décembre 1935, date de la fondation en Allemagne de l'association "lebensborn" (néologisme formé à partir de leben, la vie et de born qui signifie fontaine en vieil allemand).

    Imaginé par le Reichsführer-SS Heinrich Himmler dans le cadre de la politique d'eugénisme nazie, et géré directement par la SS, cet organisme avait pour but de sélectionner les "membre aryens de le race supérieure" et de les élever pour en faire la future élite du Reich.

    Pour ce faire la SS construisit, dans toute l'Allemagne puis dans les pays occupés, des "maisons du lebensborn". Celles-ci comprenaient des maternités dans lesquelles des femmes mariées ou célibataires, pouvaient accoucher, et des foyers pour recueillir et élever les enfants.

    Pour une hospitalisation dans une maternité du lebensborn, il fallait que les femmes soient d'origines "aryennes" (impératif qui excluait essentiellement les juifs) et ne soient pas affectées d'une maladie héréditaire. Les femmes célibataires n'étaient pas obligées de confier leur bébé au service d'adoption ou au foyer, mais l'association du lebensborn prenait la tutelle légale de l'enfant en charge. On estime à environ 11000 le nombre d'enfants qui naquirent dans les maternités du lebensborn, entre 1936 et 1945.

    La Norvège et l'eugénisme nazi

    Dès le début de la guerre, le lebensborn commença également à travailler dans les nations étrangères occupées. La SS se mit à enlever des enfants des pays d'Europe centrale et occidentale, dont le Danemark, la France, la Belgique, la Hollande, le Luxembourg, la Tchécoslovaquie, la Pologne et la Roumanie, et à les "germaniser" dans les foyers du lebensborn. Si ces enfants présentaient des caractéristiques morphologiques (couleur des cheveux et des yeux, forme du crâne...) correspondant aux critères nazis, ils étaient arrachés à leur famille et déplacés en Allemagne. Des centres du lebensborn furent également ouvert dans plusieurs pays occupés.

    La Norvège, envahie et occupée pas l'Allemagne dès 1940, tient une place particulière dans l'histoire des lebensborn. En effet d'après l'idéologie raciale nationale-socialiste, les Norvégiens considérés comme les descendants directs des Vikings, correspondaient à la conception idéale de l'homme germanique, et étaient censés permettre "d'affiner le sang allemand".

    Le commandant allemand incita donc ses soldats à multiplier les unions avec des femmes norvégiennes. Entre 10000 et 12000 enfants naquirent de liaisons entre des femmes norvégiennes et des soldats allemands pendant l'occupation allemande en Norvège de 1940 à 1945. Jusqu'à la fin de la guerre, les allemands fondèrent pas moins de neuf lebensbornheime (peut-être plus) en Norvège, soit presque autant que sur le territoire allemand. Environ 250 de ces "enfants de la honte", dont les mères étaient souvent méprisées dans leur pays, furent directement exilés dans des foyers allemands, entre 1943 et 1945. La plupart étaient logés au foyer "sonnenwiese" dans la Saxe, sur le futur territoire de la RDA. Ils furent également inscrits au registre de naissance, pour la majorité des cas, avec un nouveau nom et un nouveau lieu de naissance, ce qui rendit très difficile la recherche de leur véritable identités après la guerre.

    La Stasi et les lebensborn

    A la fin de la guerre, les enfants de type "aryen idéal" des foyers de lebensborn devinrent des pariats dont l'Allemagne cherchait à oublier l'origine, et leur trace disparut dans la tourmente de l'après-guerre.

    Mais dans les années 1960, le sort des anciens enfants du lebensborn commença à attirer l'attentio, du régime communiste de la RDA et plus particulièrement du ministère de la sécurité d'Etat, la tristement célèbre "Stasi" (abréviation de Ministerium für Staatssicherheit,Mfs)

    Dans le contexte de la guerre froide, la Stasi vit dans ces bi-nationaux (qui pouvaient demander un passeport de leur pays natal), à l'itinéraire de vie heurté, de parfaits agents doubles, et chercha à les retrouver et à les recruter pour des missions d'espionnage à l'étranger.

    Mais ce plan originel fut finalement abandonné en faveur d'un autre, encore plus cynique: la Stasi attribua les identités d'enfants du lebensborn à ses espions, qui munis d'une fausse identité et grâce à des écrits entièrement reconstitués (et soigneusement assimilés), infiltraient les pays occidentaux, arguant de leur désir de retrouver leurs racines et de renouer avec leur famille.

    Les prétendus enfants du lebensborn s'installaient durablement à l'étranger et y construisaient une double vie. Parallèlement, leurs "doubles" étaient étroitement surveillés, et leur tentatives de se renseigner sur leurs racines, méthodiquement découragées. Parmi d'autres cas qui ont pu inspirer le scénario du film d'une vie à l'autre, celui d'Heinz Hempel est particulièrement documenté: il a endossé l'identité d'un enfant de lebensborn prénommé Ludwig Bergmann. Hempel alias Bergmann fut missionné par l'intermédiaire de Berlin-Ouest comme espion en Norvège, où il retrouva sa "famille", qui le reconnut comme son fils. Alors que le véritable Ludwig Bergmann menait une vie tranquille en Saxe, le faux Ludwig Bergmann travailla plus de 20 ans comme espion en Norvège, puis en Allemagne de l'Ouest.

    Cette méthode trouva son apogée à la fin des années 60 et fut mise en pratique jusqu'au milieu des années 70. Le KGB soviétique utilisa également les identités des orphelins d'Allemagne de l'Est pour infiltrer ses propres agents à l'Ouest!

    On ne sait pas combien d'espions Est-allemands avec des identités dérobées aux enfants du lebensborn ont émigré en Norvège et en Europe occidentale. En effet à la chute du mur de Berlin, lors du tournant politique de 1989/90, la Stasi détruisit la plupart des dossiers concernant ses agents à l'étranger.

    Ce n'est qu'en 1997, sept ans après la réunification allemande, que commença une enquête laborieuse, qui ne permit de démasquer que quelques espions.

     


    Le point de vue du réalisateur

    "Les multiples facettes des personnages et la complexité de l'histoire me fascinent depuis de nombreuses années. Les personnages principaux sont à la fois coupables et innocents, bourreaux et victimes. Ils sont des acteurs lucides de l'histoire. Ils cherchent le bonheur dans l'instant présent, mais ils ne peuvent fuir leur passé sombre. C'est le drame de leur existence. Au fil de l'écriture du scénario, je me suis de plus en plus intéressé à la question de l'identité: qu'est-ce que la vérité, qu'est-ce qu'un mensonge, qui sommes-nous?Qu'est-ce que je sais vraiment des autres?

    Nous avons tendance à confondre les autres avec l'image que nous avons d'eux. Quand quelqu'un fait des choses qui ne correspondent pas à cette image, nous préférons l'occulter. Le spectateur - tout comme la famille de Katrine - ne peut voir Katrine telle qu'elle est vraiment."

    - Georg Maas

    Bande annonce VOST

     


    Source: Magasine Vocable n°679 / reportage tf1.fr / you tube: chaîne bande annonce cinéma

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    pimousse
    Mardi 13 Mai 2014 à 12:13

    Sacrée histoire mais le film a l'air bien 

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